jeudi




Prologue d'une saison en Enfer


"Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
     Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée.
     Je me suis armé contre la justice.
     Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié!
     Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.
     J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.
     Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.
     Or, tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.
     La charité est cette clef. − Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !
     "Tu resteras hyène, etc...," se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."
     Ah ! j'en ai trop pris :  − Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.


Le texte proposé ici, a sans doute une grande visée autobiographique pour Rimbaud. Celui-ci avait trouvé un équilibre idéal et harmonieux, mais ce sentiment se dégrade peu à peu jusqu'à ce qu'il se transforme en chaos. Rimbaud valorise désormais tout ce qui est considéré comme mal, comme la haine, la violence. Cette nouvelle vision du monde dépasse les conventions sociales et traditionnelles ,jusqu'à magnifier l'enfer. Il dépasse aussi les conventions poétiques, ses textes sont plus obscur, Rimbaud enlève à sa poésie tout ce qui la caractérise en bafouant les règles établies. N'es-ce pas le but même d'une révolte ?  Cette peinture de Salvador Dali est ce qui illustre pour moi le mieux ce poème. En effet l'apect confus et psychedelique serait une assez bonne representation de la nouvelle vision de Rimbaud. Tout ce qui est "normal" peut toujours être transformer en un reflet plus flou, plus obscure.

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